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picpech
17 octobre 2015

eau de feu

EAU DE FEU

C’est un bien longue route jusqu’à la forêt se disait l’homme-arbre en cheminant.

Ce pays ci est doux et brun.

 Les collines et les champs peignés par les labours s’illuminent dans le soleil couchant.

 Puis c’est la nuit mais longtemps le ciel reste rouge.

 L’homme-arbre avance et sème quelques feuilles sur ses traces. Feuilles d’or et croissant de lune.

C’est une bien longue histoire, une histoire qui tient à un cheveux, une histoire de boire et de déboires, une histoire d’eau de feu.

Longtemps avec d’autres indiens il avait fait la tournée des bars, s’abreuvant de tout ce qu’il trouvait et même  parfois d’un peu d’amitié. Entre eux ils s’appelaient les wapicoles. Ils riaient jaune comme leur pastis. C’était une étrange tribu qui menait une drôle de guerre, les troupes fraîches remplaçaient ceux qui tombaient le nez dans le ruisseau.

Lui était tombé au pied d’un arbre en escaladant la grille du square où il comptait passer la nuit.

C’était un bouleau . C’était le printemps.

Au matin le réveil fut terrible. La soif le tenaillait mais sa jambe brisée l’empêchait de bouger. Pourtant, remontant comme une bulle d'air du fond d’un étang vaseux, lui vint le souvenir de son enfance et des cures de jus de bouleau que sa mère lui faisait subir chaque printemps. Il trouva son couteau dans sa poche et le planta dans le tronc dont s’écoula aussitôt la sève bienfaisante . Il s’en désaltéra avec un plaisir neuf. Il n’avait pas bu autre chose que de alcool depuis si longtemps...

Sous l’effet des multiples bienfaits prodigués par ce nectar sa jambe se ressouda soudain et aussi vite il se releva pour aller prendre le premier verre de la journée, « rallumer la chaudière » en dialecte wapicole .

C’est alors que les branches du bouleau l’enserrèrent tandis que tonnait la voix du Grand Esprit :

« Homme de peu de foi, ton foie est malade et de boire il faut t’arrêter. Je te donnerai la force de le faire, je te donnerai des feuilles pour couvrir ton corps d’or et de lumière, je te donnerai la pluie à boire et de la terre montera ta force mais tu devras quitter la ville et rejoindre tes frères là bas dans la  forêt lointaine où chante le hibou. »

Avait-il le choix? Oui, à nouveau, et c'était sa chance. Une branche lui poussa dans la main, il s'en fit une canne et se mit en route aussitôt. Car c’est une bien longue route jusqu’à la forêt se disait l’homme-arbre en cheminant. Et une bien longue histoire, cette route.

 Mais je vous la conterai une autre fois.

 

 

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