Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
picpech
8 novembre 2011

Géographie intime de l'égographie

L'océan intérieur reviendra t-il ?
La Méditerranée est au centre de tout. Partie du croissant fertile puis depuis l'Olympe, le Jourdain, le Nil, Carthage, Alger la Blanche, Oran l'orange, les Colonnes d'Hercule, Venise, Dubrovnik, le Péloponèse, Le Bosphore, Héliopolis, Babylone, le Palais de Cnossos, les Pyramides, Massilia, Alexandrie, la Phénicie, Félicie, aussi.

La Méditerranée est une spirale. C'est l'Utérus.
L'ovule est la Sicile. En Sicile, on cultive l'olive.
En Sicile, il y l'Etna qui crache son écume de lave depuis le début des temps.
En Sicile, il y a la Vallée des Temples. Plus grands que le Parthénon.
Blancs, posés sur une plaine verte, entourés de seins d'ocre.
À Messine, il y a un figuier planté par un Saint. Arrivant de Palestine, il a planté son bâton de pèlerin dans le sol. Le bâton prit racine. La racine est toujours là, avec une multitude de troncs supportant des branches d'où partent des troncs supportant des branches.
C'est le labyrinthe du Minotaure. Nous sommes en Terre Grecque.
Qui dit Grec, dit navires, Ulysse, Dauphins, Sirènes.
Sicile était une île entourée de Tritons et de Sirènes.

La Mer Méditerranée est la plus sereine et la plus féroce des Mers. Océan en devenir.
Plongez la tête dedans et vous en verrez de toutes les couleurs.
Partez des plages blanches, enfoncez vous dans l'onde. Plongez.
Vous êtes dans l'océan primitif. Vous êtes dans l'Utérus.

La lumière est oblique, elle ondule au fond en des vagues de soleil jouant à l'arc en ciel.
Les posidonies vertes et brunes dansent avec la pulsation de la houle lumineuse, en rythme.
Les Poulpes gris, octopodes à huit bras donnent la mesure et dirigent l'orchestre.
Les Étoiles de mers rouges circulent dans cette galaxie.
Les Castagnoles, minuscules éclairs bleu électrique brillent à l'ombre des rochers violacés, en compagnie des timides Apogons vermeils, nageant au milieu des Coraux aux polypes rouges tendant leurs bras aux Anémones de mer oranges. Les Spirographes café-crème sont leurs voisins, ils s'enfoncent dans le sable à la moindre alerte. Les murènes chocolat montrent les dents. Les Sars d'argent, rayés, marbrés, tachetés, piquetés, se mêlent aux Dorades couronnées d'or, observant tout alentour avec leur œil inquiet. Les ormeaux cachent précieusement leurs trésors de nacre.
Insouciantes, les Girelles-Paon tourbillonnent et exhibent leur vert émeraude, leur bleu turquoise, leur jaune citron, leur mauves délavés, disposés en dentelle délicates, à qui veut bien les admirer et se pâmer.

Il est un domaine de grande profondeur où les couleurs sont sombres. La haute mer est outremer.
Il ne fait pas bon y croiser l'éclat du Barracuda. Dans les abysses, les poissons photoluminescents portent des lampes de poches pour éclairer leur chemin sans fond et sans fin.
C'est le domaine des calmars géants qui changent de couleur selon leurs émotions.
S'ils croisent un Cachalot la bataille s'engagera. Le sang coulera, remontant à la surface avec les fines bulles des derniers souffles expirés.

Remontons en surface, avant qu'il ne soit trop tard.
Ressortez. Inspirés, respirez. Le soleil nous inonde.

Le bleu du ciel est entré et souffle entre nos cités.
Ouvrons les portes de l'Alhambra. Les cascades de fontaines tintinnabulent.
Les volutes d'arabesques ne sont que pures voluptés.
Les moucharabiehs, alchimie d'entrelacs, permettent de voir sans être vus.
Qui observe qui ?
Le goéland se pose à coté de moi. Il me regarde. Je le regarde. Qui observe qui ?
Il écarte ses ailes et sans efforts aucuns, se soulève et vole.
Mon cœur peut-il le suivre ? Parcourir entre les nuées, décliner toutes les nuances du bleu au gris, en passant par les rouges, les roses, les fauves, les trainées d'orange sur les nuages, les violet des vortex d'orages, tous les ciels des cités de Méditerranée ?
Puis, pénétrer les côtes de l'Utérus, entrer dans la chair, poser le pied sur la terre, marcher et s'élever. Nous marcherons à travers les champs, les bois, les prairies, les collines décharnées ou couvertes de forêts, en semant nos espérances dans le moindre recoin, la moindre fissure des pierres.
Puis, quand nous ne marcherons plus, nous volerons.

Nous écarterons les ailes et sans efforts aucuns, nous nous soulèverons et volerons.
Nous irons là où le soleil parlait à Icare.
Nous souhaiterons voir encore, entendre encore, sentir encore.
Puis la lumière déclinera. Puis le soleil se couchera.
L'océan reviendra t-il ? Le bleu du ciel entrera et soufflera t-il entre nos cités ?
Quand nous nous coucherons, volerons-nous encore ?

Spectres lumineux, corps résonnant aux échos, verrons-nous nos enfants marcher, tourbillonner, rire, nager, plonger, respirer, observer, apprendre, sillonner, planter, partir, revenir, lire, écrire, raisonnant en écho des murmures des anciens humains qui ont marché, tourbillonné, rit, nagé, plongé, respiré, observé, appris, sillonné, planté, sont partis puis sont revenus, ont lu, ont écrit, en écho des cris étouffés des corps couchés ?

L'écho, c'est le cri. L'écho, c'est l'écrit. Les fils sont les mots.

Si l'être est le néant, ignorant de l'alphabet, qui le séparera et le liera au monde ?
L'océan reviendra t-il ?

Gilles LLORET

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité
Publicité