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7 février 2013

Rafales filantes - Si j'étais une plume - L'être ou le nonnête, telle est la question

Atelier d'écriture d'Odile Pommier - 02/02/2013 LAGRAND

 

Choisir mentalement, rapidement et sans réfléchir un métier manuel. Lister des verbes en rapport.

 

Menuisier : scier, poncer, raboter, ajuster, corriger, rectifier, restaurer, assembler, visser, clouer, coller, poser, sceller, fignoler, gratter, livrer, bricoler, facturer.

 

Ecrire des phrases avec ces verbes, rapidement et sans réfléchir, elles seront lues ensuite dans une suite hasardeuse au gré des écrivants.

 

 

 

Rafales filantes

 

Ce matin m'a maison fut sciée. Je ne sais pas comment cela s'est passé.

Ma famille a été entièrement poncée. Même mon chat s'est fait raboter. Comme s'il fallait que tout fut ajusté, corrigé, rectifié, restauré pour que finalement tout ce bazar soit ré-assemblé.

J'étais en train de plonger dans mes carnets de plans préférés quand c'est arrivé.

Soudain, cela s'est mis à visser, clouer, coller dans ma tête.

Je me suis retrouvé alors à poser du carrelage de musique, des mots accordés sur le papier à essayer de voler comme un oiseau, pour tenter de sceller la lumière de visions, fignolant mes images.

C'est à ce moment là que l'on gratta à la porte : on me livrait ma batterie de cuisine.

J'allais pouvoir bricoler la facture du style et mijoter tout cela avec de nouveaux mots.

 

L'orage se déclencha subitement, déferlant de tous côtés. La foule déambulatoire rendue folle de tant de flux d'électricité, telle une lame de houle n'aimant pas se mouiller, la foule se réfugia chez elle, reflua et me laissa le champs libre.

Solitaire, j'étais ainsi dehors sous la pluie à écouter le tonnerre des éclairs, je me plaisais à siffler avec les rafales filantes, à observer les flaques flasques, j'en notais la vitesse et l'intensité de remplissage, j'écoutais par quelles voies étroites les rus se répondaient et s'apostrophaient, les mots se répandaient, rebondissaient, se bousculaient et s'accumulaient, des phrases hasardeuses se mettaient entre parenthèses puis se vidangeaient sur mes feuillets, les gouttes cinglaient.

Je fermais les yeux laissant ma main courir sur toi, l'eau coulait dans mes carnets.

Tu t'incarnais. Je dérivais.

J'en étais là dans mon errance quand je vis un autre être sous les trombes, moi qui me croyait seul, nous étions deux.

 

Nous nous observâmes.

Nous nous rapprochâmes.

Nous nous tendîmes nos paragraphes.

Nous nous mîmes à l'abri de nos pages.

Nous nous tûmes.

Nous nous lûmes.

 

J'effleurais son récit et découvris ceci :

L'écrivant est troublé par les jeunes feuilles vierges.“

Incrédule, son visage s'étonna quand l'être apparu au gré de la tempête déchiffra cela :

Pour s'éclaircir, il jette l'encre au hasard.“

 

Ainsi, nous espérions le souffle à plusieurs, aspirant aux orages l'inspiration de volutes de pensée.

 

- - - - -

Poursuivre la proposition suivante : « Si j'étais une plume »

Contrainte créative : chaque phrase doit commencer par “T“.

 

 

 

 

Si j'étais une plume

 

 

Si j'étais une plume

Traçant ta voix

 

Si j'étais une plume

Tournant mes pages,

Tu me lirais

 

Si j'étais une plume

Tranquillement te chatouillerais

Tu te laisserais faire

Tu en redemanderais

 

Si j'étais une plume

Tu te laisserais peindre

Tu te laisserais atteindre

Tu te laisserais aller

Tant va l'amour à l'eau qu'il entre dans la nasse

 

Si j'étais une plume

Tu veux ?

Tant pis !

Tant mieux !

Tango à deux,

Tressaillirons-nous ?

 

Si j'étais une plume

Tant de temps à t'attendre

Tremblant de ne pas t'entendre

Tant de temps à t'attendre et à attendre encore

Temps va, avec le tout s'en va, valsant dans le décor... mais...

 

Te voilà, toi,

Toi enfin !

 

Temps suspendu,

Temps filant à tire-d'aile,

Toi et moi, ah !, tant d'émoi !

Toi et moi à perdre haleine

Si j'étais une plume

 

 

- - - - - -

 

Un tas de photos sur la table. Des gens autour de la table.

Leurs mains s'avancent, s'en saisissent chacune d'une. Que tire-je ? Une écorce de bouleau !

 

Puis, un tas de mots et leurs contraires, procéder de façon similaire, moi j'ai eu : “doux/amer“...

 

Un tas de livres de poésie, feuilletez, choisissez un extrait, voici ce qui est venu :

 

L'être est, le nonnête n'est pas

L'être n'est pas, le nonnête est

L'être est, le nonnête est

L'être n'est pas, le nonnête n'est pas

 

Raymond Queneau

 

La suite, vous aurez compris :

Laisser courir sa plume sur le dos du chat-temps qui s'étire, tels des couplets insérer des fragments, puis, comme un refrain, une note qui va et qui vient, glisser le mot et son contraire dedans, et prendre la piste des mots sur son dromadaire.

 

 

 

L'être ou le nonnête, telle est la question

 

Plif plaf, je marche dans le ruisseau

Dressant son faîte si haut

Se dresse devant moi un bouleau

 

Son écorce striée goutte-à-goutte de la gomme

J'y goutte, c'est simultanément doux-amer

Sans aucun doute, cela a le goût de Terre

D'où est issue toute Femme, tout Homme

 

Ma pensée s'enhardit

Quoi qu'il y a dans la gomme, des âmes, des cris ?

Quoi qu'il y a sur l'écorce d'écrit ?

 

Trait – Trait – Trait, tout sur l'écorce est trace

Trace du temps

Du gonflement

De l'état de bois à l'instant T

Recouvert ensuite par d'autres strates.

 

Cela crie et s'écrit, feuille après feuille s'amoncellent sans hâte des traces de stries, des traces d'esprits telles des strophes d'êtres.

 

Ces chants sont-ils doux, ou amers ?

Que fredonnent-ils dans l'air ?

 

L'être est, le nonnête n'est pas

L'être n'est pas, le nonnête est

L'être est, le nonnête est

L'être n'est pas, le nonnête n'est pas

 

Tout cela est fort obscur. Dire tout et son contraire comme “ Le cours de la vie est doux et amer“ permet d'ajuster entre eux les éléments élémentaires.

Ceux-ci rythment notre vision fragmentaire par alternances itératives opposées, à la recherche d'un temps unitaire. Puis, pour ceux qui aiment à se dévoiler la face, comme des dés jetés sur le tapis, ils peuvent nous inspirer ceci :

L'amer de la vie est court et doux. L'avis de la mère est doux et courre...“

 

Trait – Trait – Trait, très noirs sur fond d'écorce blanche.

 

L'être est, le nonnête n'est pas

L'être n'est pas, le nonnête est

L'être est, le nonnête est

L'être n'est pas, le nonnête n'est pas

 

Et si ce qu'il fallait remarquer et retenir en priorité, ce ne sont pas les traits, mais l'écorce immaculée qui supporte les traits ?

Le fond supporte la forme. Trait trace d'être.

La forme révèle le fond. L'être trace du tout.

Chaque trait porte en lui la complémentarité des autres.

Chaque trait se distingue nettement sur le fond sans lequel tout serait indistinct.

 

Trait – Trait – Trait, noir et blanc, tout sur l'écorce est trace.

 

L'être est, le nonnête n'est pas

L'être n'est pas, le nonnête est

L'être est, le nonnête est

L'être n'est pas, le nonnête n'est pas

 

Tout cela est fort obscur, et pourtant c'est clair.

Une question cependant, avant que nos douces âmes errent : qu'est-ce que le nonnête ?

 

Quelqu'un a t-il une idée ?

L'être ou le nonnête, telle est la question...

 

Traits, fond, noir, blanc, j'ai toujours admiré mon Queneau.

Plif plaf, je marche dans le ruisseau des mots...

 

 

A Raymond Que d'Eau, Que d'Eau !

Gilles LLORET

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