Nous avions vingt ans

Une pensée pour Georges Pérec, un gars avec quatre E dans son nom. Envahissant.

D'où La Disparition

Nous avions vingt ans, nous apparaîssions

Nous avions vingt ans, niais post-bac, baladins baladant, voyant au loin la putain, la mort, loin, mais là pourtant, pas si loin.

Sur un quai du port, cotoyant un yacht nu aimant la yawl, nous trouvions alors un bouquin cochon...

L'Ara d'Yvan, mon grand copain, nous lu un lai du bouquin qui titrait ainsi, son imagination aidant :

"Sur un pont d'Avignon, faisons l'amour aux Javanais."

Il y avait un post-scriptum : "A la façon d'Ubu Roi d'un gars qu'on dit Jarry.“

Voilà pourquoi on dit : “Tu Riz au Jarry, aux Javanais !”, j'y dis.

Car, j'y dis :

“Quand il y a du riz pour trois, y'a au moins pour dix avachis qui riz à Java ! Y'a bon banania !”

Il nous conta alors qu'il y avait, sortant du bouquin, un nain honni, un nabot gros, un gars safran du pays faisant la Java (mais on aurait dit un humain girondin à chignon, portant jupon sur un cul rond, bas noirs plus talons hauts, aux jolis citrons d'or tous ronds aussi, mignons-mignons, hm ! pas loin sous son cou), tous s'affrontant main à main, cul à cul, sur un lit d'un tricard grognon grignotant du pain noir, puis au bout d'un laps, tous visionnant un film montrant où, su'l' Pont D'Avignon, un trou profond, un pic trublion, chacun utilisant un far d'un pays du nord lointain à la façon d'un lubrifiant !

Ainsi, tous trois dans un, à la fin chacun imitant ça, allant à fond d'amour coquin haut-bas/bas-haut/haut-bas/bas-haut/haut-bas,... faisant un tas vif, râlant, sautillant, sabrant à tout-va, osant, bavant, tombant du haut du lit, y grimpant, allant à Hu ! à Dia ! à Hou ! à Ha ! à Houlala ! à Houbi ! à Houba ! Holala lolos ! Jobi-Joba ! Obladi-oblada ! La nouba ! 

Puis, tous roulant sur un gravillon crissant au Mans, fumant du goudron gras à Gobi, tombant du haut d'un hauban d'un sampan, pour un plaisir hard aux chatouillis grimaçants.

Bin ça alors... Jamais vu ça !

Vision d'amour ? Ainsi, sur un flot continu, pas si vivant ça, pas vaillant non plus du tout, pas si bandant aussi, contrariant la voix à nous si gais, nous, à vingt ans ?

Chafouin, un jus puant sauta alors hors du bouquin d'avant là-haut, fil glissant du film lu auparavant allant ainsi clopin-clopant, donnant sur mon occiput un coup m'assoupissant soudain.

L'Ara d'Yvan continuant, ainsi racontant, titubant, buvant dru, pissant du vomi aussi, criant :

“Harriba ! Autant, autant porta l'Yvan ! No Pasaran ! Viva Yvan d'autant l'Ara !

Cot, cot, cot ! L'habit fait pas à moi ! Boa-naja au Kilimandjaro ! Tutti Quanti ! ”

Alors, continuant sur trois tons, un klaxon fou qui passait par là lui aussi cria :

“ Au s'cours ! Y vont pas bin ! Coin, coin, coin ! ”

Un foin !

“ Non, nous allons pas bin, ni au paradis, ni plus loin! ” clamait alors moi au Pont d'Avignon rigolard nous matant.

Alors là, j'y dis à lui : “ Non mais, Ho, Pont t'y charrirait pas un chouïa, non ? ”

Pis, j'y dis : ” Stop à la tut-tut, l'hachick hindou, du Maroc ou d'Irak, dans un bois d'Himalaya, ça fait avoir la vision d'un fion, non, ou oui, ou quoi ? ”

Alors là, tout a foutu l'camps, soudain. Irons nous au campus ? Pourquoi pas ? Voilà un bus !

Ainsi, du haut du bus fonçant droit, Chianti aidant, un vin au raisin si vivant, nous pissions ho-ho! sur la tour du Roi du Bois Dormant !

Fixons l'instant, vision d'anthrax, raison oubliant, rions !

Vu du haut du Roi sur qui nous pissions, ça pas si gai ! Alors, criant fort, il nous tanna nos cuir ainsi assouplis par un, puis trois, puis cinq, puis dix coups puissants. Ça fait mal !

“Va voir maman, qu'il disait, tu crois moi si con ? Non mais !”

Ainsi continuait ainsi tout ça, le roi du Bois tapait, ça durait, ça durait, ça durait, ayayaya !

Mais où va t-on, si nous pissions tous au cul du Roi du Bois Dormant ?

CONCLUSION : Post-bac, mal au cuir du haut aux poils poussant drû, un poil dans la main aussi, joli mon gars, voilà un cas mahouss costaud, un cas d'gars post-bac parano vu l'viron pas droit, plutôt ronds qu'ils sont, dans un bus du campus, boisson-poison pas bon pour toi mon garçon, tu t'as vu quand t'as bu ? Stop !

Toi, là, ça suffit ! Car trop tôt ou trop tard, si tu poursuit ça, tu finiras dans un trou noir, tirant sur l'hallali d'un canard WC, dans un puits sans fond, sur un quai du port à Tananarivo (pour vous qui savait pas, il y a un coin dit ainsi à Madagascar), stop au chichon plus la boisson, plutôt courir tôt au matin pour voir un fou chantant l'amour vrai, amour durant tant puis tant puis tant, amour durant un max, afin d'avoir la vision d'un futur plus mignon. Sinon, hors du bus !

POST-CONCLUSION : J'y compris nada à tout ça, un jour post-bac, moi, mon copain Yvan, son Ara aussi, un bouquin cochon sur un port, un gars du pays à Java, talons hauts et bas noirs, chianti plus chichon, chignon et citrons ronds mignons, un bus, un campus, tous mal au cuir du haut.

Vous non plus ?

Vous avoir raison. Mais, tant qu'il y a raison, pourquoi qu'nous irions pas à fond, hin ?

Car plus nous imaginons, puis plus nous paginons, plus good nous allons, non ?

Alors pourquoi pas avoir dix visions par jour, pourquoi pas ? Y'a pas d'mal à ça.

Tant qu'nous paginons, tout va, car dans un bouquin sur un quai du port à Madagascar, passant pour un vrai bouquin, racontant vrai c'qui arriva au journal d'aujourd'hui, il y aurait pu avoir aussi multiplication d'addition d'divisions d'amants, plus complications où on aurait pu y voir un fou suant gluant coupant grimaçant, vision d'addictions à la Satan, hachant un corps d'hachis d'ananas brun d'humain, par un gars vrai fou mâchant un fruit du paradis mordu sans soucis, hors du hasard d'amour...

Pas folichon tout ça.

Gilles LLORET